2e partie :
 le temps est venu pour les entreprises, toute taille confondue, d’inclure les valeurs du développement durable grâce à la notion de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) qui réunit en un cercle vertueux performance, progrès social et préservation des ressources naturelles. S’il y a loin de la coupe aux lèvres (seuls à peu près 5 % des produits vendus sont majoritairement respectueux de ses grands principes), le pli est cependant pris et la direction est donnée. Voici l’essentiel à savoir.

Article mis à jour le 14 janvier 2018

B – UNE DÉFINITION DE LA RSE

Lire ou relire la première partie : le développement durable

Fruit d’une longue histoire, la RSE est la prise en compte par les entreprises des enjeux sociaux, environnementaux et économiques dans leur stratégie, leur production et leurs reporting de gestion. Formulé de façon plus simple, la RSE incorpore dans son fonctionnement et dans sa production les valeurs du développement durable.

La RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), est le développement durable appliqué à l’entreprise : celle-ci s’engage de façon volontaire à aller beaucoup plus loin que les obligations légales sur les champs sociaux et environnementaux – Crédit image : Fotolia

Cette démarche industrielle de développement durable se veut opérationnelle, mesurable et « visible » avec tout un ensemble de dispositifs de management, de conduite du changement, de méthodes de pilotage & évaluation et de labels ou normes.

Notons que la RSE n’est à l’heure actuelle pas une obligation légale : sa mise en place s’effectue sur une base volontaire pour tous les secteurs industriels et de services : l’agriculture, l’habitation, le BTP, les services (assureurs, tourisme…), et, bien sûr le secteur bio.

● Une notion clé, les parties prenantes (ou Stakeholders) : ce concept, qui est, nous l’avons vu, une des cinq valeurs clés du développement durable (principe de gouvernance), responsabilise l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes (l’ensemble des individus ou des organisations concernés par son activité), y compris le consommateur). En clair, toute société doit non seulement rendre des comptes, mais chercher aussi à satisfaire les objectifs de tous ses interlocuteurs et pas seulement les siens propres.

Les parties prenantes, qui  sont un aspect phare de la RSE obligent l’entreprise à dialoguer avec la société civile, en vue notamment de limiter l’influence des actionnaires et des marchés financiers.

Qui sont les parties prenantes ? Elles peuvent être internes ou externes, publiques ou privées comme : les salariés, les actionnaires, les clients, les fournisseurs et sous-traitants, les syndicats, les ONG, les institutions, les pouvoirs publics, les collectivités territoriales, les associations de consommateurs, civils (associations)… et même la concurrence !

Cette notion de partie prenante, qui va au-delà d’un simple devoir d’information et de transparence,  est à l’origine même du concept de RSE, bien avant les préoccupations environnementales. La RSE est née officiellement en 1953 sous la plume de l’économiste Howard R. Bowen, dans un ouvrage fondateur, Social Responsability and Businessman. Ce livre – qui est, pour la petite histoire, une commande des églises protestantes et orthodoxes – craignant le pouvoir hégémonique latent des multinationales, suggérait en réponse de limiter l’influence des actionnaires et des marchés financiers en plaçant en contrepoint les acteurs de la société civile en vue d’établir un équilibre salvateur d’influences,

Ce concept de partie prenante est d’ailleurs plus que jamais d’actualité, car en phase avec une société post-moderne avide de transparence (Wikileaks) et d’échanges participatifs (réseaux sociaux, avis clients sur Internet…).

● La RSE, pour quelle entreprise ? Cette approche a longtemps concerné uniquement les grands groupes, mais son application s’accélère depuis les années 2000, suite aux critiques de tous bords et au renforcement juridique (loi sur les Nouvelles Régulations Economiques, loi Grenelle 2, loi Warsmann 4…).

Une conséquence positive à été la pression des grandes entreprises sur les PME sous-traitantes pour les amener à adopter eux aussi une démarche RSE, élargissant ainsi l’emprise du concept. La RSE est malgré tout encore souvent perçue aujourd’hui par les PME comme une charge supplémentaire sans rentabilité tangible. Près du tiers n’ont pas encore pris d’initiatives en la matière tandis qu’une minorité (50 000 à peu près) à mis en œuvre un cadre important de la RSE (par exemple une certification ISO 14001).

Malgré tout, le processus de démocratisation est en marche : les entreprises courent en effet de plus en plus le risque de perdre des marchés au profit des plus engagées, car les cahiers des charges des donneurs d’ordre, dont ceux du marché public, intègrent de plus en plus la RSE.

Les grandes entreprises rentrent aussi progressivement dans une logique rassurante de partenariat à long terme avec leurs fournisseurs, sur un mode collaboratif fondé sur le codéveloppement et la co-innovation, qui amoindrit les freins classiques d’adoption de la RSE (prise de risque, surcoût des normes, non-réciprocité de la démarche dans le commerce mondial…).

● Le financement responsable au secours de la RSE : les investisseurs français privilégient de plus en plus les entreprises motivées. Déjà près de 2/3 de l’encours d’investissement serait le fait de l’Investissement Socialement Responsable), au 1er rang en Europe. Des études récentes (Michael Barnett 2012), montrent en effet que la mise en place d’une démarche RSE par l’entreprise est rentable dans le temps. La RSE permettrait un gain de performance de l’ordre de 13%, en moyenne, par rapport aux entreprises non engagées (Étude 2016 France Stratégie,).

● Les bons samaritains de la RSE : un maillage de plus en plus conséquent de clubs et d’associations se donne pour mission de faciliter le passage à la RSE des PME, notamment par l’innovation, le partage d’expérience, l‘aide technique, le financement, et la co-création. Citons parmi les plus significatifs :

  • Entrepreneurs d’Avenir ;
  • APM (L’Association pour le progrès du management fort de 67000 adhérents francophones) ;
  • Ashoka (réseau mondial d’entrepreneurs sociaux présent dans 80 pays) ;
  • CG-SCOP (confédération générale des Scop) ;
  • le CJD (Plus de 80 000 entrepreneurs formés) ;
  • Club génération responsable (dédié au commerce organisé et aux franchises avec 37 000 points de vente concernés en France et un label Enseigne responsable) ;
  • Mouves (impliqué dans l’insertion et le retour à l’emploi.
  • Etc.

● Les 10 grandes tendances et évolutions 2016-2017 de la RSE :

  1. Une intégration étendue à toute l’entreprise : les 200 directions DD et RSE en France ne sont plus seulement rattachées à la présidence/direction générale, mais peuvent aussi se retrouver intégrées avec des directions opérationnelles, prouvant que la RSE devient un élément décisif de la bonne marche de l’entreprise.
  2. La communication, enjeu N°1 : traditionnellement centrée sur la charité, le mécénat ou les fondations la communication RSE évolue vers une communication grand public : méfiant depuis plusieurs années envers l’entreprise le consommateur est cependant prêt à accorder sa confiance aux entreprises qui engagent des actions concrètes sur l’environnement, les questions sociales, la transparence, la qualité des produits, leur composition et condition de fabrication, etc. (Baromètre 2017 de la Confiance dans les entreprises). 
    Notons la montée des réseaux sociaux pour une communication responsable qui incite au dialogue avec le consommateur. Sont aussi plébiscités les dirigeants qui s’exposent et s’engagent personnellement. En résumé, en 2017, partager et mieux informer sur ses engagements RSE est aussi un atout commercial non négligeable, en particulier pour les  PME et les ETI à la recherche d’axes efficaces de différenciation.
  3. Objectif impact social et local : les sondages démontrent que les Français attendent désormais des entreprises qu’elles participent aussi au développement économique à une échelle locale, grâce à une sensibilité nouvelle aux questions sociales (emploi, etc.), et au Made in France.
  4. Se différencier sur son marché en particulier la santé, en innovant dans ses process et ses offres produit & service, notamment sur la santé. L’année 2017 à été particulièrement riches en évènements liés à ces questions : débat de fond sur le glyphosate, scandale du diesel gate, crises du lait infantile contaminé, perturbateurs endocriniens présents dans les cosmétiques, du triclosan dans les textiles, pesticides dans l’alimentation, etc.
  5. Les années vertes du reporting RSE : si la réalisation de rapports annuels RSE est devenue obligatoire pour les entreprises d’une certaine taille, de plus en plus se rallient volontairement à cet exercice par conviction et pour faire valoir leur démarche.
  6. Le bien-être au travail : cet enjeu est aujourd’hui n°1 selon les salariés avec le stress au travail, le burnout, le télétravail abusif, et, depuis peu, le présentéisme (excès d’heures de travail), qui font depuis quelques années la une des médias et sont pris au sérieux par l’entreprise.
  7. Parité homme femme : l’affaire Weinstein et elle d’autres prédateurs sexuels connus relance la question fondamentale de la parité et de respect de l’égalité de genres en entreprise qui ne sont pas toujours les meilleures élèves sur ces questions. L’écart de salaire entre les hommes et les femmes est de près de 26% (environ 9% d’écart à poste égal). On observe aussi une féminisation grandissante des instances dirigeantes des entreprises, près de 70% d’entreprises étant couvertes par des accords pour l’égalité professionnelle.
  8. Supply chaine : la loi sur le devoir de vigilance, de début 2017 place sur le devant de la scène la question de la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises de toute taille deviennent responsables des conditions de production sur l’ensemble de leur chaine de fournisseurs, devenues une priorité importante.
  9. Un pas de plus vers l’économie circulaire  :  en 2017, la France s’offre quasiment 2% d’emplois dédiés à l’économie circulaire sur le territoire. L’économie circulaire est clairement un modèle d’avenir pour les entreprises responsables de tous bords.
  10. « Social is the new cool », l’engagement au coeur du nouveau business model :  des jeunes entrepreneurs et des startup veulent concilier bénéfices pour la planète et bénéfices produits, désireux de donner du sens à leur activité et conscients que les impacts sociétaux sont aussi un argument de vente.

● L’État français champion de la RSE : notre pays est l’un des plus performants en matière de responsabilité sociale des entreprises grâce à la mise en place progressive depuis le début des années 2000 d’un dispositif juridique conséquent pour inciter les entreprises à franchir le pas. Voici les plus significatifs :

  • 2001 – La loi NRE : avec la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques les sociétés françaises cotées doivent obligatoirement ajouter  dans leur rapport annuel des données sur les conséquences environnementales et sociales de leurs activités. La loi Grenelle de 2010 complétée par la loi Warsmann 4  de 2012 va plus loin encore en s’élargissant aux entreprises de plus de 500 salariés, avec des sanctions et des contrôles.
  • 2006 – La Directive ROHS restreint l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques.
  • 2006 – La Directive REACH : ce règlement modernise la législation européenne en matière de substances chimiques en améliorant la protection de la santé humaine et de l’environnement. Le but est d’inciter les entreprises concernées à adopter une chimie plus verte.
  • 2008 – La Charte de l’environnement durable des entreprises publiques pousse les entreprises à inscrire cette priorité dans leur stratégie.

La France se distingue aussi par des dispositifs et actions variés qui ont comme originalité d’être à la fois soutenus par l’Etat et ses territoires  : citons les lois Grenelle 1 et 2, la plateforme RSE (2013), l’Ademe… Ces dispositifs s’adressent aux entreprises, mais également aux acteurs financiers, aux salariés et aux consommateurs, classant notre pays parmi les bons élèves internationaux.

● Les démarches volontaires, normes et labels : 

Dossier bio-sociétal 2/3 : les démarches volontaires, normes et labels de la RSE

Il n’existe pas à l’heure actuelle de certification ou de label RSE unique qui fait consensus, mais plutôt ce que les Anglo-saxons appellent la soft law, un riche ensemble composé de principes internationaux, de normes, de labels, et d’organismes d’accompagnement, le tout relevant de la démarche volontaire et conçue pour aller au-delà du respect de la loi dans les pays où les entreprises opèrent..

De nombreux outils internes complètent ces dispositifs (chartes éthiques, codes éthiques des affaires, motivation des salariés, etc.), en sensibilisant notamment les salariés à la mise en place d’une politique RSE.

Notons que la richesse et le nombre de ces normes et outils ne facilitent pas leur adoption, ce qui nécessite, au moins au départ, un accompagnement

Voici cependant les référentiels (outils, normes, et labels) les plus importants de la RSE :

● Les normes spécialisées :
> SA8000 la 1re norme de responsabilité sociale : elle concerne uniquement le volet social de la RSE. Les entreprises certifiées s’engagent sur leurs sites de production en propre et par rapport à leurs fournisseurs et sous-traitants dans les domaines suivants : les conditions de travail, l’interdiction du travail des enfants, les libertés syndicales, la discrimination, etc.

> ISO 14001 pour des usines non polluantes : cette norme certifiable  vise à mesurer l’impact environnemental de l’activité des unités de production. Elle prend en compte les émissions dans l’air, les rejets dans l’eau, la contamination des sols, la gestion des déchets, l’utilisation des matières premières et des ressources naturelles. Cependant, elle garantie seulement que l’entreprise à mis en place un ensemble de processus pour mieux gérer ses impacts environnementaux en production, sans prendre en compte l’impact positif global sur l’environnement de l’entreprise. L’usine peut aussi continuer de fabriquer n’importe quel type de produit, même les plus polluants. Pour le consommateur, la certification n’est donc nullement une garantie que l’entreprise fournit un produit ou un service « bon pour la planète » ou « bon pour la société ». Il existe cependant une corrélation positive entre la performance environnementale des entreprises et la certification ISO14001.

● Les normes globales :
> Le Global Compact (Pacte mondial) : lancé en 2000 sous l’égide de l’ONU, est une démarche volontaire qui propose aux entreprises d’adhérer à dix grands principes dans les domaines des droits de la personne, du travail, de l’environnement et de la lutte contre la corruption. Il regroupe plus de 10 000 entreprises dans le monde qui s’engagent à progresser chaque année dans chacun des 4 thèmes du Pacte mondial et doivent remettre un rapport annuel appelé COP (Communication sur le Progrès), détaillant les progrès réalisés.

> ISO 26000 le référentiel ultime ? – Publiée en 2010 la norme ISO 26000 est le nouveau texte mondial de référence en matière de RSE. Regroupant pour la première fois toutes les facettes des pratiques sociales et environnementales, elle incite à agir simultanément sur les 3 piliers de la RSE, pour une démarche de progrés globale et équilibrée. Ce n’est pas un label, mais une démarche, un référentiel, dont la mise en œuvre peut-être évaluée par des organismes indépendants comme le Label Lucie. L’ISO 26000 vise les entreprises, mais aussi les organisations de tous types, quelle que soit leur activité, leur taille ou leur localisation. Elle ne fixe pas de niveaux de performance à atteindre, mais des lignes directrices à adapter en fonction des spécificités de chaque organisation.

– Les  7 grands principes, ou questions centrales de l’ISO 26000 :

Dossier bio-sociétal 2/3 : les 7 questions centrales de l'ISO 26000

● Les labels :
Contrairement aux normes ISO, les labels visent eux aussi à mettre en place un processus de gestion, mais également une performance environnementale et sociale positive mesurable. L’autre avantage des labels est leur potentiel de communication qui permet à l’entreprise de communiquer sur ces engagements. Énumérons les plus représentatifs :

> LUCIE le label RSE de référence –  Créé en 2008 il est aligné sur la norme ISO 26000, pour une démarche RSE complète qui garantit à la fois l’évaluation et le progrès de la démarche RSE. C’est aussi une communauté d’entreprises engagées. La labellisation LUCIE permet à une organisation de valoriser ses engagements auprès de ses parties prenantes.

> B-CORPS le nouveau venu  Né en 2006 aux États-Unis, ce nouveau label, qui compte parmi les 1.200 entreprises certifiées des références écologiques comme Patagonia, Ben & Jerry’s et de plus en plus de marques bio ou naturelles, commence enfin à s’implanter solidement en Europe et en France avec Nature & Découvertes, Camif, BlaBlaCar, La Ruche qui Dit Oui, microDON, Sidièse (Agence de communication responsable). Son processus de labélisation, valable deux ans, fonctionne assez sur le modèle des labels du commerce équitabl), ou du label bio. Ses critères sont à la fois sociaux et environnementaux. Le label B-Corps à aussi pour vocation d’être plus « communicant » que les autres labellisations et moins complexe à mettre en place que les normes ISO.

> ENVOL le label environnement dédié aux PME – Développé par CCI France, il permet aux TPE et PME de mettre en œuvre une démarche environnementale (mais pas sociale) de façon simple, dans une logique de progrès et avec une reconnaissance nationale. Inspiré de la démarche ISO 14001 un plan d’action environnement est mis à jour chaque année avec un reporting régulier.

> LES ECOLABELS CONSOMMATEURS (label bio UE, Cosmebio, NF Environnement, Label Rouge, Biocohérence, etc.) – Bien qu’ils ne soient pas liés spécifiquement à une démarche RSE, les écolabels en sont souvent le point d’orgue. En effet, les entreprises conventionnelles qui se lancent dans ce cercle vertueux commencent très souvent d’abord par améliorer leur fonctionnement interne (optimisation énergétique, normes ISO 14OO1, etc.), avant de se lancer dans ce qui peut être considéré comme le Graal de la RSE : la production de biens et services « verts » (écoproduits) bons pour la planète et sains pour le consommateur, ce que garantissent les écolabels.

● Le bio et la RSE : le génie conceptuel du bio a été dès ses débuts durant les années 1920 d’avoir su lier développement économique de produits sains et vertus sociales et écologiques. A l’heure actuelle, les entreprises du secteur bio sont surtout performantes dans la partie environnementale. Pour en savoir plus :

Suite et fin (3e partie) : les atouts et points faibles du secteur bio en matière de développement durable et de RSE.

Version enrichie d’un article paru initialement dans le revue professionnelle Biolinéaires n°65 Mai-juin 2016

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